I. Synopsis du film.
Seth Brundle est un jeune biologiste très doué. Après avoir fait ses premières armes dans une brillante équipe, il se décide à travailler seul. Il met au point une invention qui doit révolutionner le monde : la téléportation qui consiste à transporter la matière à travers l’espace.
Les essais sur un babouin sont peu convaincants et après des fuites dans la presse, il décide de se téléporter lui-même. Avec une mouche comme compagnon de voyage, ce qui engendre une fusion génétique fatale…
II. Analyse du film.
La Mouche est à la fois l’adaptation de la nouvelle de George Langelaan (1957) et le remake de La Mouche noire de Kurt Neumann ((1958), un film d’horreur de série B.
Mais tout en conservant la dimension spectaculaire qu’induit son sujet, David Cronenberg va livrer bien plus qu’un film fantastique en s’attachant davantage au lent processus de métamorphose qu’au monstre final.
Il signe un film exceptionnel dans lequel le mélange des genres, le fantastique, le drame et la romance est parfait au point de fusionner totalement.
La description clinique de la mutation de Seth Brundle et de sa décomposition révèle les obsessions du réalisateur sur le corps et ses dégradations, sur la maladie et le vieillissement, sur la fragilité de la vie et l’importance du destin dans un monde qui ne manque pas de formes d’agression (cancer, maladies dégénérescentes, attaques virales…).
Il est aussi une réflexion sur la fragilité du couple à travers l’évocation des conséquences physiques, sociales et psychologiques de cette mutation.
En effet, la mutation de Seth Brundle affecte sa relation sentimentale avec la journaliste Véronica.
Les deux protagonistes du film s’éloignent inexorablement l’un de l’autre.
Leur séparation n’est pas voulue mais subie par le destin, ce qui est vraiment plus difficile à vivre.
Même si Seh Brundle mute en mouche, il n’en reste pas moins humain…
III. Un réalisateur singulier.
David Cronenberg est un réalisateur canadien, né le 15 mars 1943 à Toronto (Ontario, Canada).
Passionné de littérature et de biochimie, il s’est d’abord distingué dans l’horreur. Les décennies 1970-1980 l’imposent comme le cinéaste du fantastique et de la science-fiction d’épouvante.
Ces fims dont la Mouche est la quintessence renversent les tabous de la société, sondent les névroses et les phobies de la société occidentale, laissant libre cours au déchaînement des pulsions refoulées.
Ses deux thèmes de prédilection sont le double et la métamorphose. Ses films, caractérisés par une grande technique et un univers à la fois ultra-violent et cérébral, ouvrent la voie à de nombreuses lectures sur le conditionnement, le mal et l’aliénation.
Film sur le métabolisme déviant, La Mouche traduit le penchant de Cronenberg pour l’organique. Convaincu que la société s’appuie sur des structures qui dissimulent, refoulent, il s’emploie à révéler les énergies brutes réprimées, à fouiller la chair à travers la déchirure du corps et retrouver ainsi l’interrelation entre la chair, les instincts et la pensée.
Le corps disloqué et les profondeurs redoutées révélées, la société moderne aseptisée vole en éclats.
IV. Quelques pistes de travail.
1. Un film de science-fiction ?
– Quels indices de l’anticipation peut-on relever dans le film ?
– Mais quels sont les éléments qui contrecarrent la notion de progrès tant au niveau du décor que la psychologie du héros ?
– En quoi la description clinique de la dégénérescence de Seth va-t-elle au-delà de la peur provoquée par la science moderne et sa démesure ? Quelles angoisses révèlent-elles ?
– Quelles sont les formes d’agressions liées à la condition humaine et aux progrès scientifiques qui peuvent nous faire perdre figure humaine ?
2. Un monde clos.
– Quels sont les éléments du décor qui apparentent le laboratoire de Seth à un lieu intemporel, à un non-lieu ?
– En quoi ce laboratoire devient-il un lieu de claustration, un tombeau pour Seth ?
– Quelle est l’ironie de cette situation pour le protagoniste ?
3. Une catastrophe intime.
– Quelles sont les forces contraires qui entrent en tension avec la téléportation hasardeuse de Seth et sa métamorphose ?
– Quelles sont les conséquences physiologiques et psychologiques de cette mutation ?
– Comment l’invisible organique déclenché par la métamorphose impose-t-il sa loi, faisant voler en éclats la relation amoureuse entre Seth et Véronica ?
4. La métamorphose ou le dépassement de l’humain.
– Même si l’expérience que vit Seth semble être d’origine accidentelle, le scientifique décide d’assumer ses actes et de vivre pleinement sa mutation. Quels sont les éléments du film qui permettent de faire un tel constat ? Comment peut-on qualifier cette démarche ?
– Quel rapport entretient-il désormais avec son corps ?
– Que représente cette mutation pour Seth ? Quelle volonté exprime-t-elle ?
– Quelles obsessions Cronenberg révèle-t-il ainsi ?